Tribune d'Emmanuelle Blanc, étudiante en Bachelor MHR, retour sur la conférence – « La décarbonation dans l’hôtellerie, entre enjeux et défis »
C’est en ce lundi 3 mars 2025 que nous nous sommes de nouveau réunis afin de participer à l’une des conférences marquantes de ce début d’année, organisée par Marie-Pascale Ragon, notre Alumni Relations and Events Manager et animée par Alexandre Barthélémy, Directeur des relations entreprises et de la formation continue à FERRANDI Paris.
Pour continuer sur cette belle lancée de conférences et de tables rondes mettant en avant l’association des Alumni de l’école, nous avons eu la chance d’accueillir Jérôme Bourdais, Responsable Patrimoine Immobilier chez GPM & Villa M, acteur dans le domaine de la santé au travers d’un espace dédié à l’innovation et au bien-être pour les professionnels et le grand public, ainsi que Président du CRDE. A ses côtés, afin d’aborder ce thème déterminant dans le futur du secteur de l’hôtellerie internationale, nous avons eu le plaisir de retrouver Yves Le Pezron, Responsable F&B de l’hôtel Warwick, hôtel 4 étoiles situé en plein cœur de la capitale alliant confort et modernité, ainsi que Kenny Van Looveren, Directeur Conseil et Développement chez Majorian, plateforme de services dédiée aux professionnels indépendants du secteur hôtelier qui regroupe plusieurs entités afin de les aider au quotidien dans les divers aspects de leur activité.
Ainsi, au travers de cette entrevue, aussi passionnante que formatrice, tant dans son sujet que dans sa forme, il a été question de développer divers axes de réflexion concernant les défis et stratégies à adopter dans un secteur en pleine mutation, où la réglementation tend à être de plus en plus exigeante.
L’industrie hôtelière, bien que représentant seulement 1% des émissions mondiales de CO2, n’échappe pas aux impératifs de transition écologique. En France, le tourisme représente 11% des émissions de CO2, dont 16% proviennent du secteur de l’hôtellerie et de la restauration. La décarbonation, qui désigne l’ensemble des processus visant à réduire les émissions de dioxyde de carbone, est désormais un enjeu clé pour les professionnels du secteur. Elle ne se limite pas seulement à un engagement écologique, mais revêt également des dimensions réglementaires, sociales et financières.
Le constat est clair : la décarbonation ne doit pas être perçue comme une contrainte, mais comme une opportunité d’innover et de transformer durablement l’industrie. Mais alors, comment un hôtel peut-il concrètement réduire son empreinte carbone ?
En ce qui concerne les principaux postes émetteurs de CO2 dans un hôtel, certaines activités sont particulièrement énergivores et fortement émettrices de CO2 : la cuisine et la production en restauration, en raison de l’utilisation intensive du gaz pour les cuissons ; la blanchisserie, essentielle dans l’hébergement, qui consomme énormément d’eau et d’énergie ; l’électricité, notamment issue des énergies fossiles comme le fioul ou le charbon, encore utilisées par certaines structures indépendantes ou anciennes infrastructures hôtelières. Face à ces observations, le cabinet de conseil Majorian accompagne plus de 4 000 hôtels et restaurants en leur proposant des solutions alternatives, comme l’utilisation de systèmes de chauffage basés sur la géothermie ou la récupération d’énergie. Toutefois, le gaz naturel reste la principale source d’énergie du secteur, surtout pour le chauffage et la cuisine. Si certaines initiatives visent à réduire cette dépendance, la transition reste relativement progressive.
Si l’on s’intéresse davantage à quelques exemples concrets en termes d’initiatives de décarbonation dans le secteur hôtelier, nous pouvons citer, tout d’abord, le modèle d’EasyHotels au Royaume-Uni. La chaîne hôtelière EasyHotels a réussi à réduire de 45% ses émissions de CO2 en mettant en place diverses actions : des pompes à chaleur et des panneaux solaires pour limiter la consommation énergétique, des bâtiments respectant des normes environnementales strictes ou encore, une optimisation des équipements électriques. De plus, le cabinet de conseil Majorian a récemment accompagné un hôtel au bord du lac d’Annecy dans un nouveau projet de rénovation énergétique. Ils ont ainsi réussi à diminuer leur empreinte carbone en investissant dans un système géothermique permettant de restituer la chaleur du sol en hiver et la fraîcheur en été et en réduisant de manière significative leur dépendance aux énergies fossiles. Pour ce qui est de l’hôtel Villa M, situé dans le 15e arrondissement de la capitale, les hôteliers ont brillamment su concevoir leur structure sur un véritable modèle d’innovation verte. Au menu, une façade végétalisée arrosée à l’eau de pluie, la mise en place d’un déshydratateur permettant la gestion des déchets organiques et leur transformation en compost ainsi que des capteurs aux fenêtres et détecteurs de mouvement pour limiter la consommation de chauffage et de climatisation.
Si la transition écologique s’avère être un enjeu mondial, les hôteliers ne représentent pas les seuls acteurs dans ces nouvelles démarches de décarbonation et de réduction de leur empreinte carbone. Les clients et leurs attentes en pleine évolution le sont tout autant en matière de durabilité. Selon une étude Booking réalisée en 2023, 76% des voyageurs sont sensibles aux pratiques écologiques des hôtels et 43% seraient prêts à payer plus si un hôtel prouve son engagement en faveur du développement durable. Si les besoins de la clientèle touristique en matière d’écologie et de conscience environnementale connaissent une véritable montée en puissance, ces derniers varient toutefois assez largement selon les régions d’origine des touristes. Si les Allemands et les Scandinaves intègrent ces pratiques dans leur quotidien et attendent des hôtels qu’ils fassent de même, d’autres civilisations restent moins ouvertes à cette transition, pourtant vitale pour l’avenir du secteur et de l’humanité. De plus, selon une étude de la société Majorian, près de 9 voyageurs sur 10 souhaitent plus de transparence sur les engagements environnementaux des établissements. Et, au niveau du secteur de la restauration, les clients sont de plus en plus sensibles à l’origine des produits (sourcing local, circuits courts, saisonnalité) ainsi qu’au respect du fait-maison et du savoir-faire artisanal.
Mais alors, comment sensibiliser les clients et accélérer la transition ? Selon nos trois invités, afin de sensibiliser les clients à l’engagement environnemental des hôtels, il est essentiel d’adopter une communication transparente et impactante. D’une part, cela passe par la mise en avant des actions écologiques sur les sites internet, réseaux sociaux et supports en chambre, permettant ainsi aux clients d’être informés et sensibilisés dès leur arrivée. Former les équipes afin qu’elles relayent ces initiatives est également un levier puissant pour impliquer les voyageurs. D’autre part, obtenir des certifications reconnues comme la Clé Verte ou l’Étoile Verte Michelin offre une preuve tangible de l’engagement de l’établissement. Faire appel à des experts en auddit énergétique permet aussi de structurer une démarche de durabilité crédible et efficace. Travailler avec des fournisseurs partageant les mêmes valeurs écologiques, notamment en sourcing local et en gestion des ressources, contribue à réduire l’empreinte carbone de l’hôtel. Enfin, une formation continue des équipes garantit que ces pratiques deviennent une norme et non une exception, inscrivant ainsi l’établissement dans une démarche responsable et pérenne.
La transition énergétique ne repose pas uniquement sur les épaules des dirigeants d’hôtels. Elle implique toute une chaîne d’acteurs : des propriétaires et investisseurs, qui doivent donner leur feu vert aux travaux de rénovation, en passant par les équipes opérationnelles, qui doivent être formées aux gestes éco-responsables, les fournisseurs et partenaires, pour proposer des solutions durables et accessibles, jusqu’aux autorités de régulation, qui doivent imposer des normes plus strictes pour lutter contre le greenwashing. D’ici 2026, toutes les entreprises d’au moins 10 salariés et générant 700 000 € de CA minimum devront publier leur bilan carbone, contre 250 salariés aujourd’hui. Cette évolution réglementaire souligne l’urgence d’agir dès maintenant. Pour les futurs acteurs du secteur hôtelier, la clé du succès repose désormais, et plus que jamais, sur la formation continue et la collaboration. S’informer, sensibiliser, s’entourer de partenaires compétents et surtout, écouter les équipes et les clients, voilà la véritable feuille de route pour une hôtellerie plus verte.
Malgré ces efforts, le paradoxe demeure : d’un côté, une volonté de transition écologique dans l’hôtellerie, et de l’autre, un manque de réglementation stricte et efficace. Alors que la Charte de l’Environnement est inscrite dans la Constitution française, de nombreuses entreprises continuent de surfer sur le greenwashing pour améliorer leur image. Comment imposer des mesures réellement impactantes tout en évitant les dérives marketing ? L’avenir nous le dira, mais une chose est sûre : le temps n’est plus à l’inaction.
« Ensemble, partageons nos passions », FERRANDI Alumni
Emmanuelle BLANC

Commentaires0
Vous n'avez pas les droits pour lire ou ajouter un commentaire.
Articles suggérés